F.3 Les “ handicontacts ”, pour faciliter la vie et l’intégration des personnes handicapées.

De Les droits humains au coeur de la cité
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Cette interview a été réalisée en 2010. Maryse Hendrix était alors directrice du bureau régional Brabant wallon de l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (AWIPH). Aujourd’hui, elle a pris sa retraite, mais est toujours activement engagée au sein d’Amnesty.

L’AWIPH a été absorbée par l’Agence pour une vie de qualité (AVIQ). Elle est devenue la branche « handicap » du nouvel Organisme d’intérêt public (OIP). Quant aux « handicontacts », ils sont toujours actifs dans quasi toutes les communes wallonnes. Cette interview garde donc toute sa pertinence.

Que pourraient faire les communes pour mieux respecter les droits des personnes en situation de handicap et mieux les intégrer dans la vie de tous les jours ?

Maryse Hendrix : « Lorsqu’une personne handicapée circule en chaise roulante, accompagnée d’une personne valide, un interlocuteur sur deux au moins va s’adresser à celle qui est debout plutôt qu’à celle qui est en chaise roulante ; or, la chaise roulante n’est pas synonyme de déficience mentale! C’est donc le regard que nous portons sur la personne handicapée qu’il faut changer. La Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée par les Nations unies en 2006 et ratifiée par la Belgique en 2009, réaffirme que toutes les personnes qui souffrent d’une quelconque infirmité doivent bénéficier de tous les droits et libertés fondamentaux. Chaque État qui y adhère s’engage à mettre en place des lois et mesures pour garantir les droits reconnus par la Convention. C’est dans ce cadre-là que nous avons proposé les “ handicontacts ”.

En quoi consistent-ils ? Un “ handicontacts ”, c’est une personne de référence, désignée par chaque collège communal, pour aider dans leurs dé- marches les personnes en situation de handicap. Ses objectifs ? D’une part informer les personnes handicapées ou leur famille, répondre à toutes leurs questions et, d’autre part, les écouter, recueillir leurs doléances et les relayer auprès des autorités communales et de l’AWIPH. C’est donc une personne qui doit avoir l’oreille de sa hiérarchie.

Comment l’idée est-elle née ?

Tout a commencé en Brabant wallon par les États généraux de la personne handicapée. Désireuse de mieux connaître les vrais problèmes des gens, la commission subrégionale de l’Agence wallonne pour l’intégration de la personne handicapée a organisé des réunions à Nivelles, Wavre, Tubize et Jodoigne. Nous avions mis des avis partout et de nombreuses personnes y ont participé. C’est lors d’une de ces réunions qu’une personne handicapée a interpellé les responsables de l’AWIPH en disant : « d’accord, l’AWIPH est là pour répondre à toutes nos questions. Mais moi, j’habite Tubize et vos bureaux sont à Ottignies, comment voulez-vous que je me rende jusque chez-vous ? »

Plusieurs personnes ont abondé dans le même sens, soulignant combien les informations qui les concernaient étaient trop éloignées de chez elles.

Nous avons alors pensé que les communes, plus proches des habitants, seraient sans doute le bon niveau de pouvoir pour fournir aux personnes handicapées les informations dont elles avaient besoin. Nous avons pris notre bâton de pèlerin pour ren- contrer les différents édiles du Brabant wallon et avons mis pratiquement deux ans à les convaincre. On a ri de nous, en nous traitant d’utopistes, jusqu’au jour où un membre du cabinet du ministre Courard, qui avait alors la tutelle des pouvoirs locaux dans ses attributions, s’est intéressé au concept et nous a soutenus. Un autre ministre, M. Furlan, a ensuite pris le relais et a demandé à toutes les communes d’avoir un handicontacts. Depuis qu’ils ont été en quelque sorte institutionnalisés, des référents de ce type existent dans environ 70% des communes wallonnes, même s’ils ne sont pas encore opérationnels par- tout. Aujourd’hui, la province du Luxembourg est en pointe dans ce domaine, même si l’initiative est partie du Brabant wallon.

En tant que commission subrégionale de l’AWIPH, nous apportons un soutien aux handicontacts ; si ces référents de proximité (qui sont généralement des assistants sociaux, parfois aussi un échevin des Affaires sociales ou un membre du CPAS), n’arrivent pas à répondre à une question, ou qu’ils ne disposent pas de l’information demandée, ils peuvent nous téléphoner à tout moment. Par ailleurs, nous les réunissons une fois par trimestre pour une formation, dont ils choisissent eux-mêmes la thématique : s’ils nous disent qu’ils souhaiteraient en savoir plus concernant l’enseignement spécialisé, on essaie de leur expliquer comment il fonctionne, de répondre à leurs questions (peut-on passer de l’enseignement spécial à l’enseignement ordinaire, par exemple ?), mais aussi de leur faire visiter une école de ce type.

La situation des personnes handicapées s’est-elle améliorée depuis l’entrée en fonction de ces handicontacts ?

Oui, indéniablement. Au niveau de l’AWIPH, par exemple, nous avons assisté à une explosion de notre budget ! Pourquoi ? Parce que grâce aux handicontacts, les personnes atteintes d’une infirmité ou leur famille sont mieux informées des subven-tions dont elles peuvent bénéficier. Si une personne est reconnue comme handicapée, elle a par exemple droit à une aide de l’AWIPH pour l’aménagement de sa maison ou de sa voiture – et ce sont des aménagements qui coûtent cher !

Outre les handicontacts, y a-t-il d’autres actions que pourraient mener les communes pour mieux intégrer les personnes handicapées ?

Il y a une série de mesures très concrètes qui peuvent être prises : beaucoup de personnes handicapées ne vont par exemple pas voter parce que les isoloirs ne sont pas accessibles. En la matière, les communes peuvent faire quelque chose.

Au-delà de telles initiatives, il faudrait pratiquer le “ mainstreaming ”, comme on l’a fait avec le “ gender mainstreaming ”, en d’autres termes, chaque fois qu’on adopte un règlement communal, il conviendrait de vérifier si on a tenu compte des personnes handicapées, afin au minimum de ne pas leur nuire et, idéalement, de contribuer à leur meilleure insertion.

Enfin, il faudrait travailler sur les représentations sociales. Plus les personnes handicapées seront au cœur de la Cité (avec leurs apports d’idées “ système D ”, de combativité), plus les préjugés disparaîtront. »

Propos recueillis par Anne-Marie Impe

Actualisation

Les « handicontacts » reçoivent un soutien de l’AVIQ qui organise des tables rondes pour l’échange de bonnes pratiques. « Ces tables rondes sont l’occasion de développer un réseau de partenariats avec les agents des bureaux régionaux, les commissions subrégionales et d’autres acteurs actifs dans l’information des personnes en situation de handicap. Des news- letters consolident les liens et apportent aussi des informations diverses utiles pour leurs missions », peut-on lire sur le site de l’AVIQ.

Sur 253 communes wallonnes, 248 sont dotées d’un handicontact en 2017.

Contact

AVIQ

Administration centrale

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