L.3 Le quartier vert de Messitert (Aubel) Ou comment s’unir pour améliorer son cadre de vie et protéger l’environnement

De Les droits humains au coeur de la cité
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Tous au vert

Situé sur les flancs de la vallée de la Berwinne, dans la commune d’Aubel, à quelques kilomètres de Liège, Maastricht et Aix- la-Chapelle, le quartier de Messitert s’étend sur une centaine d’hectares et compte environ 200 habitants pour quelque 80 maisons.

Début 2010, les Messiterriens ont participé à « Tous au vert », un concours organisé par Lampiris et RTL/TVI. Résultat ? Sur près de 500 inscrits, ils ont obtenu une très honorable troisième place. « Notre projet consistait à doter le quartier d’un “ parcours énergétique, nous expliquent Benoît Dorthu et Manu Verbrugghen, deux habitants très impliqués dans la vie communautaire de l’entité. [1]

« Il s’agissait d’installer des panneaux pédagogiques sur les chemins pour sensibiliser les promeneurs à la préservation de l’environnement et leur expliquer comment réduire leur impact écologique. », poursuivent-ils.

Aujourd’hui, c’est chose faite : 10 panneaux ont fleuri le long des routes. Ils traitent de l’épuration des eaux, de l’énergie so- laire, de l’isolation des maisons, des économies d’eau, de la consommation de produits locaux, etc.

Outre l’explication claire de ces thématiques, chacun mentionne quelques trucs et astuces tout simples pour économiser l’eau, l’électricité, l’essence ou pour produire moins de déchets : achetez des produits en vrac ; placez des chasses d’eau à deux débits ; isolez les tuyaux de chauffage dans les pièces non utilisées ; diminuez d’un degré votre thermostat ; optez pour une conduite “éconologique” (économique et écologique)...

Mais les Messiterriens ne se contentent pas de donner des conseils : toutes les actions, grandes et petites (pas seulement les trucs et astuces !) suggérées sur les panneaux ont concrètement été réalisées par les habitants : maison passive, systèmes divers d’isolation et de chauffage (pompes à chaleur, puits canadien, triple vitrage, panneaux solaires thermiques et photovoltaïques), citerne d’eau de pluie, épuration des eaux par lagunage, compost, potager, formation à la bio-gastronomie, transport en vélo vers l’école quand il fait beau.... Un foisonnement d’initiatives vertes !

« La région est très belle et fréquentée par de nombreux promeneurs, Ces panneaux, qui proposent des actions concrètes, les pousseront peut-être à s’interroger sur ce qu’ils pourraient faire eux aussi pour réduire leur empreinte écologique et protéger l’environnement », espèrent nos deux interlocuteurs.

Les racines de Messitert

En matière de démarches communautaires, les habitants du quartier (simplement organisés en association de fait) n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont déjà été lauréats de la Fondation Roi Baudouin, en 2008, pour un projet intitulé « Les racines de Messitert ».

Les deux actions proposées – un livre et un verger – sont aujourd’hui réalisées. En une série de portraits et de témoignages, le livre brosse le passé de Messitert. Les anciens y racontent leurs souvenirs, où se mêlent la grande et les petites histoires : la guerre, la libération, l’arrivée de l’eau dans le village, des anecdotes quotidiennes et savoureuses ... « La démarche consistait à rencontrer des personnes qui habitent le quartier, depuis longtemps parfois, à recueillir leurs souvenirs, puis à les consigner dans un ouvrage, afin de sauvegarder la mémoire collective du terroir », commentent Manu et Benoît.

Un historien, Thomas Lambiet, a apporté sa pierre de savoir à l’édifice, en rédigeant un chapitre de l’ouvrage.

S’y trouve également des portraits et récits de vie des habitants d’aujourd’hui, la découverte de la balade de la Berwinne et quelques recettes de jus de pomme ou de cidre. Résultat ? Un livre superbe, agrémenté de magnifiques photos (portraits, paysages, maisons, croix...). Paru en décembre 2009, il s’est vendu à près d’un millier d’exemplaires et est aujourd’hui quasi épuisé, preuve de l’engouement qu’il suscite !

Quant au verger, il se construit de manière évolutive. Les premières plantations ont été réalisées à l’automne 2008. Une trentaine d’habitants se sont réunis pour planter une vingtaine de fruitiers hautes tiges. Chacun des arbres a été parrainé par plusieurs enfants, qui ont inscrit le nom de la variété plantée et leur propre nom sur une étiquette, ensuite accrochée à l’arbre. Une belle journée qui s’est clôturée par un barbecue festif.

La commune les a constamment soutenus dans leur démarche. D’abord en leur attribuant un terrain pour le verger communautaire, ensuite en le préparant pour les plantations, enfin en assurant au jour J la présence du spécialiste des espaces verts de la commune et ... du bourgmestre lui-même.

« À la fin du XIX e siècle, la région regorgeait de fruitiers hautes tiges, explique Benoît Dorthu. Mais au début des années 1970, il y a eu surproduction de fruits en Europe et les propriétaires de vergers ont reçu des primes très attractives pour arracher certains arbres précis, comme les hautes tiges, parce que la récolte est plus coûteuse que sur des arbres à moyennes et basses tiges. »

Combinée à l’urbanisation, cette mesure a fait disparaître 90% des fruitiers hautes tiges : c’est dire son impact catastrophique sur la biodiversité, le paysage et l’identité même du terroir ! Les habitants de Messitert ont voulu retrouver les variétés historiques (notamment certaines variétés de pommiers produisant des fruits très riches en pectine, donc parfaits pour le sirop !), et ont travaillé en collaboration avec des spécialistes de la région et le Centre wallon de recherches agronomiques de Gembloux.

Entre les automnes 2008 et 2010, une centaine d’arbres environ (pommiers, cerisiers, pruniers, pêchers) ont été plantés, dans le verger communautaire et sur des terrains privés. « Il s’agit pour la plupart de variétés anciennement présentes dans le pays d’Aubel, mais aujourd’hui devenues rares, voire carrément oubliées. » Ces arbres complètent les 200 arbres fruitiers hautes tiges recensés à Messitert avant le lancement du projet.

La convivialité, cœur des projets

Dans le quartier, ce ne sont pas les projets qui manquent : les habitants viennent d’introduire un nouveau dossier auprès de la Fondation roi Baudouin pour créer un espace de convivialité, sorte de place villageoise, doté de bancs et d’un barbecue, juste à côté du verger, où toutes les générations pourront se retrouver. « Beaucoup d’entre nous travaillent à Liège, Verviers ou ailleurs et il est important d’entretenir la vie communautaire pour éviter de devenir une cité dortoir. »

Ils n’ont d’ailleurs pas attendu ce terrain pour organiser dîners de quartiers, souper boulette, fêtes d’halloween ou de Saint Nicolas, qui réunissent de trente à cinquante personnes en moyenne, avec des pics à 150 participants, selon nos deux témoins. Ils participent aussi annuellement à la Fête pop d’Aubel, où chaque quartier construit un char, en essayant d’impliquer les jeunes ado’ dans sa réalisation.

Autre problème qui leur tient à cœur : la sécurité routière. « Il y a beaucoup de chemins avec peu de visibilité dans le quartier et les automobilistes ont tendance à rouler trop vite. On voudrait attirer leur attention de manière créative, par des banderoles ou des petits personnages, pour leur rappeler que nos enfants jouent au détour des chemins. » Last but not least, dès que la production fruitière de leur verger sera suffisante, ils souhaiteraient réaliser jus et sirops ensemble. « Les différents projets ne sont finalement que des prétextes pour faire des choses de manière collective et soigner la convivialité, concluent nos deux interlocuteurs. Notre objectif reste toujours le même : nous rencontrer autour d’un projet fédérateur, destiné à améliorer l’environnement et à développer la vie du quartier. »

Actualisation

En 2017, les habitants de Messitert continuent à organiser l’accueil des nouveaux arrivants, des réunions de quartier et des fêtes une à deux fois par an. En collaboration avec la commune d’Aubel, la Fondation Roi Baudouin et avec l’aide d’un archi-tecte-paysagiste, ils ont aussi créé une plaine de jeux – espace de convivialité, réalisée en matériaux naturels.

Plusieurs habitants du quartier se sont également impliqués dans le nouveau projet de Coopérative du Vin du Pays de Herve. Il s’agit d’une Société coopérative à responsabilité limitée et à finalité sociale, qui a l’ambition de :

  • créer un domaine viticole de 10 ha dans le Pays de Herve ;
  • produire un vin de qualité, en respectant l’environnement (pas de pesticides) et l’ensemble des parties prenantes : les clients, les ouvriers, les voisins, les enfants, la planète ;
  • construire un chai, lieu indispensable à la vinification mais aussi, lieu de rassemblement et de formation ;
  • compléter avec le vin les nombreux produits de bouche produits dans le Pays de Herve ;
  • former des personnes aux techniques de culture et de transformation alimentaire ;
  • soutenir (et parfois initier) des projets, des échanges ou des réseaux de type social, économique, culturel, environnemental, d’insertion professionnelle ou d’éducation permanente ;
  • devenir un acteur local important dans le développement de l’économie sociale et la protection de l’environnement.

Plusieurs terrains de Messitert ont été jugés propices à la plantation de vignes ; celle-ci devrait démarrer au printemps 2018. Après, il faudra encore patienter 4 à 5 ans avant de passer à l’étape de la vinification... et quelques mois de plus pour savourer les premières bouteilles !

Enfin, le GAL (Groupe d’action locale) Pays de Herve, qui a vu le jour en 2016, est un projet de grande ampleur, puisqu’il rassemble 8 communes et concerne 67 000 habitants. Réunissant des partenaires publics et privés représentatifs du territoire, il accompagne les porteurs de projets économiques (agricoles, touristiques...) et soutient les initiatives citoyennes. Et pour ce faire, le GAL pays de Herve a acquis une petite roulotte « food-truck », appelée la Galotte, qui se déplace sur les lieux des événements organisés par les habitants. Comme l’explique Renaud Keutgen, le chargé de mission Citoyenneté, quand une réunion ou une fête a lieu, le GAL fournit la pâte à pizza et les habitants apportent les ingrédients. Cuite dans un four portable, la pizza est ensuite partagée dans la convivialité. Apportant une petite touche ludique et festive, la Galotte était, par exemple, présente lors de la plantation d’arbres réalisée par le Conseil communal des enfants d’Aubel le 25 novembre 2017 à Messitert.

Sources & pour en savoir plus

  1. Interviewés par téléphone le 14 octobre 2010.