J.3 Auderghem lutte avec succès contre les logements inoccupés

De Les droits humains au coeur de la cité
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Un règlement efficace

Parmi les 19 communes bruxelloises, quelle est la meilleure élève en matière de lutte contre les logements vides ? En 2010, « C’est incontestablement Auderghem, talonnée par Bruxelles-ville », nous a répondu M. Werner Van Mieghem, coordinateur du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH). « Elle s’est en effet dotée du règlement le plus efficace de la Région : la procédure est rapide et ne laisse pratiquement aucune possibilité au propriétaire d’échapper à la taxe », affirme- t-il.[1]

En 2005, la commune d’Auderghem s’est en effet lancée dans la lutte contre les logements inoccupés et/ou insalubres. Et, 5 ans plus tard, les résultats sont plutôt impressionnants, puisque 85% des logements inoccupés de la commune ont été remis sur le marché. Cela représente plus de 400 logements depuis 2005, soit en moyenne 80 à 100 par an! Désireux de connaître les ingrédients de cette belle réussite, nous avons interviewé son bourgmestre, le député Didier Gosuin.[2]

« Comment avons-nous procédé ? C’est très simple : la commune a voté un règlement instaurant une « taxe sur les immeubles bâtis totalement ou partiellement inoccupés. Ensuite, nous nous sommes donné les moyens de l’appliquer. Tout est là. Nous avons mis en place des équipes de patrouilleurs, chargés de repérer les logements qui semblent inoccupés, puis sur base de leurs rapports, nous écrivons aux propriétaires pour leur demander pourquoi leur logement est inoccupé. Parfois, les motifs sont absolument valables. Et si ce n’est pas le cas, ou si nous ne recevons pas de réponse du tout, nous leur adressons un deuxième courrier, les priant de se mettre en règle et leur signalant que, s’ils ont des difficultés à louer leur bien, nous avons passé une convention avec une immobilière sociale qui pourra les y aider. »

Etape suivante : la taxation. Le montant de la redevance sur les immeubles inoccupés s’élève à 15 euros le m2 et passe à... 450 euros le m2 pour les logements insalubres. Un coût assurément dissuasif! Mais comme le justifie le bourgmestre, de tels immeubles créent immanquablement un sentiment d’insécurité, voire une insécurité réelle, pour le voisinage. Et si les propriétaires refusent de payer ? « Nous prenons une inscription hypothécaire sur leur bien, assène Didier Gosuin. Cela s’est déjà produit et nous avons saisi l’argent à la vente. Il y a bien sûr eu quelques recours en justice, intentés par les propriétaires, mais nous les avons toujours gagnés.

À travers les compétences dévolues aux bourgmestres, les communes ont un pouvoir certain, une véritable capacité d’action en matière de lutte contre les logements inoccupés ou insalubres, insiste Didier Gosuin.

La véritable clé du succès réside dans la volonté politique, poursuit-il. Il y a un peu plus de deux ans, nous avons envoyé à toutes les communes un mémento leur exposant notre expérience positive en la matière. Nous avons également organisé deux réunions pour leur présenter notre démarche et avons été très surpris de découvrir que certains ne semblaient pas du tout sensibles à la question. D’autres étaient carrément frileux et nous ont par exemple demandé si nous taxions aussi les propriétaires qui résidaient dans la commune. C’est révélateur ! Mais c’est là que mes collègues se trompent, s’anime Didier Gosuin : il y a bien sûr quelques propriétaires voyous, qui m’invectivent quand je les croise dans la rue, mais c’est une infime minorité. La plupart des citoyens sont très heureux de cette taxation. Vous savez, avoir un logement insalubre à côté de chez soi n’a jamais été agréable pour personne! Là où certains responsables communaux se trompent également, c’est quand ils pensent que cette lutte est coûteuse. Non, c’est largement rentable! C’est vrai qu’au début, il faut investir pour engager du personnel et mettre en place la procédure nécessaire. Mais ensuite, les taxes engrangées couvrent largement les dépenses. Sans compter les autres rentrées induites. Quelle est en effet la première source de revenu des communes ? Ce sont les impôts! Si une commune souhaite augmenter ses revenus, elle a le choix entre 2 options : augmenter les impôts ou augmenter le nombre d’habitants. C’est cette dernière option que nous avons retenue : depuis 2006, notre population a augmenté de 400 unités par an environ. Et davantage d’habitants, ce sont aussi des clients plus nombreux pour les commerces locaux. Tous les nouveaux inscrits dans la commune ne sont bien sûr pas imputables à la remise sur le marché de logements inoccupés, mais cette démarche y a incontestablement contribué, car notre population résidente ne connaît guère de boom de la natalité. »

À Bruxelles, il y a au moins 15 000 logements inoccupés, selon l’IBDE[3], ce qui entraîne une pression à la hausse sur les loyers. Si l’exemple de la commune d’Auderghem était suivi par les autres bourgmestres, ce serait autant de logements supplémentaires, à nouveau disponibles à la location. Un fameux bol d’air pour les locataires!

Petit bémol à ce bel enthousiasme, cependant : à Auderghem, la moyenne des loyers demeure assez élevée. Ce ne sont donc que rarement les habitants les plus défavorisés qui s’y installeront dans les appartements et maisons vides, remis sur le marché. Mais ça n’en reste pas moins une initiative dont on peut s’inspirer! Quitte à faire preuve de créativité pour l’adapter, afin de favoriser l’accès au logement pour les locataires les moins nantis.

Le logement est en effet un bien de première nécessité. Vital pour tous les individus. Une ville peut-elle dès lors accepter que des centaines de citoyens sans-abri, pour qui se loger est un luxe inaccessible, dorment sous les porches de bâtiments inoccupés ? Une situation choquante, où les droits humains sont clairement bafoués. La sanctionner est un premier pas dans la bonne direction.


Actualisation, sources & pour en savoir plus

En 2017, la commune poursuit ses efforts en matière de lutte contre les logements inoccupés. Elle a établi un nouveau règlement, valable du 1/1/2015 au 31/12/2020. Texte du nouveau règlement concernant la taxe sur les immeubles bâtis totalement ou partiellement inoccupés

Les logements vides hors-la-loi

La Région de Bruxelles-Capitale a pris une ordonnance qui permet de frapper d’une amende administrative les logements vides. Cette disposition, note la Région, « vise à inciter les propriétaires à remettre leur bien sur le marché locatif ou à envisager toute autre possibilité permettant une occupation optimale du parc résidentiel. La Cellule « Logements Inoccupés » du Service public régional de Bruxelles a pour mission d’identifier les logements suspectés d’inoccupation, de constater l’infraction et d’en avertir le propriétaire.

L’infraction peut être révélée par une enquête d’initiative menée par la Cellule ou via une plainte déposée auprès du service. Seules les 19 Communes et les associations agréées par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale sont habilitées à déposer plainte.

Contacts

Didier Gosuin, bourgmestre Tél. : 02 676 49 99

www.auderghem.be

Le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH)

Cette ASBL regroupe une cinquantaine d’associations (francophones et néerlandophones) qui défendent le droit à l’habitat et œuvrent pour un accès à un logement décent à prix abordable. Le RBDH publie (entre autre) une revue, Art. 23, qui paraît 3 ou 4 fois par an et aborde à chaque fois une thématique liée au logement.

http://rbdh-bbrow.be/

Quai du Hainaut, 29 à 1080 Molenbeek / Porte de Flandre, à côté de Bellevue

Métro ligne 1, arrêt Comte de Flandre Tram 51, arrêt Porte de Flandre

Mail : info@rbdh.be Tél. : 02/502 84 63 · Fax : 02/503 49 05

Contact PRESSE · Chloé Thôme presse@rbdh.be · +32 (0) 456 31 22 12

  1. Interviewé par téléphone, par Anne-Marie Impe, le 18 novembre 2010.
  2. Interviewé par téléphone, par Anne-Marie Impe, le 19 novembre 2010.
  3. L’Intercommunale bruxelloise de distribution d’eau se base sur le nombre de logements qui consomment moins de 5m3 d’eau par an.