B.2 Le Conseil des résidents étrangers de Toulouse (CoTRE)

De Les droits humains au coeur de la cité
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Pourquoi un conseil des résidents étrangers ?

Pierre Cohen, le député-maire de Toulouse [remplacé en 2014 par Jean-Luc Moudenc], répond : « La lutte contre le racisme et les discriminations suppose une volonté politique forte, sans laquelle aucune action pérenne n’est possible. À Toulouse, nous avons cette volonté. Nous nous sommes interrogés sur la place des étrangers dans la cité, sur leurs conditions d’existence et de travail, sur la lutte contre les violences, sur l’éducation à la citoyenneté et à l’égalité… Nous avons mis en place des nouveaux outils pour la promotion de la diversité et de l’égalité. Parmi eux, le Conseil toulousain des résidents étrangers. »[1]

Quels sont ses objectifs ?

« Donner la parole à tous ceux qui n’ont pas le droit de vote, poursuit le maire. Ceux qui habitent Toulouse, y travaillent, y paient leurs impôts et leurs cotisations sociales, y élèvent leurs enfants, y grandissent et y vieillissent … Mais en silence ». Il s’agit donc de permettre aux résidents étrangers hors Union européenne, qui n’ont pas le droit de suffrage aux élections municipales, de se faire entendre, d’exposer leurs problèmes, leur ressenti par rapport aux discriminations, et de donner leur avis sur les questions d’intégration.

Cette instance de concertation favorise le dialogue des cultures, le brassage des populations et la compréhension mutuelle. Elle permet d’intégrer au quotidien les problématiques des résidents étrangers dans la politique globale de la ville et d’améliorer le “vivre ensemble”.

« Nous voulons que les résidents étrangers soient considérés comme des citoyens toulousains à part entière, explique JeanPaul Makengo, adjoint au maire, en charge de l’Égalité et de la Diversité, président du CoTRE et vice-président de la Coalition européenne des villes contre le racisme.[2] Lorsque je n’avais pas encore acquis la nationalité française, j’ai vécu des difficultés inhérentes à la condition d’étranger, témoigne-t-il. À l’époque, j’aurais bien aimé bénéficier du CoTRE. C’est la raison pour laquelle j’invite les résidents étrangers à se saisir de cette instance, à s’y impliquer ».

Aujourd’hui à Toulouse, où se côtoient 160 nationalités, 40% des habitants ont un grand parent immigré ; 12% des étudiants et 14,5 % des salariés sont étrangers.

Comment fonctionne le CoTRE ?

Le Conseil des résidents étrangers de Toulouse s’est réuni pour la première fois le 14 mars 2009. Il est composé de 40 conseillers, dont 10 sont issus d’associations. Ils ne sont pas élus, mais désignés pour deux ans par un ensemble de personnalités toulousaines, afin d’assurer la représentation d’un large spectre de nationalités.

Cependant, cette “ sélection ” des étrangers, instaurée pour un motif certes louable, ne pose-t-elle pas problème ?

N’y a-t-il pas un risque que les personnes les mieux intégrées dans la vie locale soient surreprésentées, au détriment des moins éduquées et des plus précaires ?

Nous avons posé la question à M. Bernard Isach, responsable de la mission égalité des chances à la Mairie de Toulouse [3] :

« Nous avons tout mis en œuvre pour que ce Conseil reflète la diversité sur les plans socio-professionnel, du genre et des nationalités, nous a-t-il répondu. À chaque renouvellement, un appel à candidatures est lancé dans la presse et sur Internet. Et en matière d’intégration des femmes, on peut dire que c’est une réussite. Par contre, il est vrai que les classes moyennes sont plutôt surreprésentées. Et que le Conseil ne compte, par exemple, qu’un seul chômeur. »

Le CoTRE s’est doté de 4 commissions thématiques, travaillant sur la diversité culturelle, l’accès aux droits, la qualité de vie, l’activité économique et l’emploi.

Promouvoir la réussite éducative des enfants, offrir une qualité de vie plus grande pour les migrants âgés, valoriser toutes les cultures présentes à Toulouse, lutter contre les discriminations dans l’accès au logement ou à l’emploi : tels sont quelquesuns des thèmes de réflexion – et objectifs – de ces Commissions qui interpellent la municipalité, en suggérant des pistes de solution. « Nous sommes un organisme consultatif, un interface, un aiguillon », précise Aminétou Gaye, sa porte-parole actuelle, une jeune juriste mauritanienne âgée de trente ans.[4]

Quelques actions concrètes ?

Participation du CoTRE à :

  • l’élaboration d’une plaquette d’information sur le nouveau dispositif d’aide à l’amélioration de l’habitat des seniors ;
  • l’organisation d’une rencontre grand public sur l’histoire de l’immigration à Toulouse, animée par Laure Teulières, maître de conférences à l’université Toulouse-Le Mirail ;
  • l’organisation de repas-rencontres intergénérationnels ; la mise sur pied de démarches destinées à améliorer l’accueil, l’accompagnement et la défense des intérêts des nouveaux venus ;
  • l’organisation de formations du personnel municipal à l’accueil des migrants et aux spécificités des résidents étrangers ;
  • l’organisation de débats, expos, conférences dans le cadre de la semaine internationale des peuples, qui vise notamment à faire mieux connaître et mettre en valeur l’apport des Toulousains d’origine étrangère.

Aux 4 commissions thématiques citées plus haut s’ajoutent 2 commissions techniques. L’une porte sur la vie associative et vise à améliorer la visibilité des actions menées par les très nombreuses associations que compte la ville et à favoriser une dynamique collective concertée. L’autre se préoccupe de co-développement et de relations internationales et sensibilise les habitants aux initiatives menées par Toulouse au plan international : accords de coopération, jumelages, implication de la ville dans les réseaux internationaux. Les travaux des commissions font l’objet d’un bilan annuel, présenté en assemblée plénière, en présence du Maire.

Le bilan ? Largement positif, selon M. Bernard Isach : « Le CoTRE joue un rôle important en matière de lutte contre les stéréotypes et permet de faire reculer les discriminations. Comme toutes les instances de concertation, il doit bien sûr être sans cesse relancé. Tous les membres en sont bénévoles et doivent donc se rendre disponibles pour pouvoir s’investir. Seule une moitié environ d’entre eux participe généralement aux réunions et travaux. Nous pensons d’ailleurs élargir la présence des membres issus d’associations, pour résoudre en partie le problème. » [5]

Expériences similaires

D’autres villes en France – Paris, Lyon, Lille, Grenoble, Strasbourg, etc. – se sont également dotées d’un Conseil des résidents étrangers, suivant l’exemple de Mons-en-Barœul (Nord Pas-de-Calais) qui, dès 1985, fut la première municipalité de l’Hexagone à installer un tel organe.

En octobre 2010, à Strasbourg, ces cités ont constitué un Réseau national des Conseils des résidents étrangers pour porter au niveau national leur revendication d’octroi du droit de vote et d’éligibilité des étrangers lors des élections municipales.

En Belgique, les étrangers qui ne proviennent pas de l’Union européenne ont le droit de vote aux élections communales, ce qui place le pays dans le peloton de tête en la matière, puisque seuls 7 autres pays européens (Suède, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Luxembourg, Lituanie et Slovénie) offrent ce droit à tous les étrangers (avec des modalités diverses).

Un Conseil des résidents étrangers reste toutefois utile dans la mesure où la participation au suffrage ne résout pas tous les problèmes : la lutte contre les discriminations et pour une meilleure intégration est une entreprise de longue haleine qui donnerait tout son sens à une telle instance.

Cette dynamique de la démocratie locale s’inscrit d’ailleurs dans l’esprit de la “ Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local ”, qui a été adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe sur une initiative du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe (CPLRE).

Actualisation

Depuis octobre 2016, le CoTRE est devenu Toulouse diversités – Conseil toulousain des résidents étrangers. Cette nouvelle instance de concertation consultative poursuit des objectifs très similaires à ceux du CoTRE.

Pour en savoir plus

Le Conseil des Bruxellois d’origine étrangère (CBOE)

La ville de Bruxelles compte un Conseil des Bruxellois d’origine étrangère (CBOE), constitué de 23 membres de 14 nationalités différentes, désignés par le Collège des Bourgmestre et Echevins.

Le CBOE comprend 4 groupes de travail (enseignement, société et affaires sociales, citoyenneté et participation, cultures et diversité) qui analysent les politiques de la ville et transmettent des avis et recommandations au Collège et au Conseil

Le CBOE développe depuis plusieurs années des Ateliers d’aide à la réussite pour lutter contre l’inégalité des chances par le biais d’activités extrascolaires en matière d’expression, d’intégration, de reconnaissance de la multiculturalité et d’initiation à la citoyenneté responsable. S’appuyant sur des animateurs, des directions d’écoles et l’inspection pédagogique, ces ateliers « visent à transformer la dynamique de l’échec en spirale de la réussite et accéder à l’estime de soi par la maîtrise de l’expression. » 16 écoles participent au projet, 10 francophones et 6 néerlandophones. Quelque 150 heures d’ateliers sont dispensées chaque semaine au bénéfice de près de 600 enfants.

Le CBOE organise également des permanences sociales de proximité, « tant il est vrai que les demandes, souvent très spécifiques, de la population bruxelloise d’origine étrangère ne trouvent pas nécessairement de réponse à un guichet communal ». Les dossiers les plus fréquents concernent le séjour, l’état civil, le logement, le permis de travail, la naturalisation.

Comme le signale la Ville de Bruxelles, ces permanences « offrent un accompagnement et un suivi social apprécié d’un public souvent désorienté par les difficultés des procédures administratives. Les permanences sont également un poste d’observation privilégié des nouveaux phénomènes migratoires et des questions qu’ils génèrent ». Enfin, le CBOE organise aussi chaque année DiverCity, une grande fête itinérante. « En allant à la rencontre des quartiers et des habitants de Bruxelles, DiverCity veut souligner la pluralité de la ville afin que les habitants vivent mieux leurs différences », peut-on lire sur leur site Internet.

Actualisation

Le nombre d’écoles concernées par les ateliers de la réussite a augmenté, puisqu’on est passé de 16 à 21 écoles participant au projet (16 francophones et 5 néerlandophones) en 2017 et plus de 1000 enfants de 6 à 12 ans bénéficient chaque semaine de ces ateliers gratuits.

Source & pour en savoir plus

La page du CBOE sur le site de la ville de Bruxelles Contact

Conseil des Bruxellois d’origine étrangère (CBOE)

Boulevard Maurice Lemonnier 162

1000 Bruxelles Belgique

Tél. : 02 511 34 37 Fax : 02 511 63 76

cboe.org@brucity.be

Références

  1. In Editorial du CoTRE, magazine semestriel du Conseil des résidents étrangers de Toulouse, n°1, juin 2010.
  2. Nous avons rencontré M. Makengo à Nantes, en juin 2010, lors du 4e Forum mondial des droits de l’Homme.
  3. Interviewé par téléphone, le 6 octobre 2010, par Anne-Marie Impe.
  4. CoTRE, op. cit., p. 8.(5) Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est le forum qui représente politiquement les collecti- vités locales et régionales – plus de 200 000 – au sein du Conseil de l’Europe.
  5. (5) Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est le forum qui représente politiquement les collectivités locales et régionales – plus de 200 000 – au sein du Conseil de l’Europe.